Congés payés, l’histoire d’une conquête populaire

Cet été-là, des trains pleins à craquer transportaient des ouvriers du Nord vers la méditerranée, à l’étang de Berre, ils se sont tous levés en hurlant : « La mer, la mer ! » ». Même ferveur à Saint-Brieuc, en Bretagne, des travailleurs en bleu de travail neuf avec leurs femmes et leurs enfants « respiraient un autre air », ils avaient « du bonheur » dans leurs yeux.

Le 3 mai 1936, le Front populaire remporte les élections législatives. L’espérance suscitée chez les ouvriers est immense dans une France où le chômage et la misère s’étendent. 

Des mouvements de grèves, avec des occupations d’usines, gagnent la France et font des congés payés une revendication de premier ordre.

Dès le 5 juin, le nouveau président du Conseil, Léon Blum, annonce le dépôt immédiat d’un projet de loi sur le sujet affirmant que « tous les travailleurs sont concernés, que les ouvriers connaîtront dans leur labeur journalier une trêve d’au moins deux semaines et qu’ils pourront se consacrer librement au repos et aux satisfactions de la vie familiale et sociale, (…) quels que soient leur sexe et leur âge, la nature du travail et la branche d’activité.

Le projet de loi est déposé le 9 juin, voté le 11 juin 1936 par la Chambre des députés à l’unanimité. Le Sénat suivra avec seulement deux voix hostiles.

Jusqu’alors, certaines usines fermaient bien quinze jours en août, les propriétaires et les contremaîtres partaient eux, sur la Côte normande ou sur la Côte-d’Azur mais les ouvriers eux, devaient encore plus se serrer la ceinture. Les deux semaines ne leur étaient pas payées !

Concernant les fonctionnaires, deux semaines de congés payés avaient fait leur apparition avec un décret impérial du 9 novembre 1853.

Au début du XXe siècle, les salariés du métro parisien, du gaz, de l’électricité, les employés de bureau et du commerce obtiennent une à trois semaines de repos.

Les « grisettes » de la confection et les ouvriers du Livre les rejoignent dans les années 1920.

Et encore, seul 1 % des ouvriers a alors droit à des « vacances rémunérées ».

En Europe, l’Allemagne instaure les congés payés dès 1905, suivie en 1910 par l’Autriche- Hongrie et les pays scandinaves. Le relais est pris lors de la décennie suivante par l’Europe de l’Est (Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie) et du Sud (Espagne, Portugal, Grèce, et même l’Italie fasciste).

Alors que le spectre de la guerre plane en Europe, en juillet-août 1936, 560 000 personnes prennent d’assaut les gares parisiennes grâce au « billet populaire de congés annuels à tarif réduit » de Léo Lagrange, secrétaire d’État aux Sports et à l’Organisation des loisirs.

Certes, tous ne partent pas, ceux qui restent vont pique-niquer quotidiennement dans les bois entourant Paris mais tous les témoignages d’ouvriers insistent sur cette sensation nouvelle ; le temps leur appartenait.

Les congés payés trouvent leur expression vraiment populaire à la Libération, dans la dynamique du Conseil national de la Résistance, avec son programme « des jours heureux ». 

En 1948, les Nations unies adoptent la Déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnaît que toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.

Grace à la hausse du niveau de vie imposés par les luttes, aux politiques de construction d’infrastructures de loisirs, (les colonies de vacances et les villages de vacances) et les aides aux familles instaurés par les Comités d’Entreprise les salariés peuvent partir plus nombreux en vacances. 

La 3e semaine de congés est généralisée en 1956, 

La 4e en 1969, 

La 5e semaine en 1982. 

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
Mark Twain

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