Paris, le 23 juin 2020
DÉCLARATION CGT AU COMITÉ DE GROUPE AIR LIQUIDE
Le monde entier fait face à une crise sans précédent due à la pandémie de Covid-19.
Ces dernières semaines, les soignants ont été confrontés à une situation terrible, devant combattre l’épidémie dans des conditions effroyables: manque de masques, de blouses, de gel, de gants, de lunettes de protection, de médicaments… Ceci résulte des décisions politiques de ces dernières décennies qui ont, loi après loi, budget après budget, démantelé un système de santé qui faisait référence dans le monde entier et qui a permis l’accroissement de l’espérance de vie en France.
Cette dégradation a pourtant été largement dénoncée par les soignants eux-mêmes qui étaient en grève depuis de nombreux mois pour exiger de meilleures conditions matérielles et salariales pour soigner dignement et traiter les patients avec respect. Ils exigent toujours l’arrêt de la fermeture d’hôpitaux et de lits sur tout le territoire. Rappelons qu’avant cette crise le gouvernement restait sourd à ces revendications et envisageait encore des économies de 4 milliards sur la Santé, pourtant déjà exsangue puisque depuis une quinzaine d’années c’est 69 0000 lits et des milliers de postes qui ont été supprimés. En 2018, 4200 lits ont encore été fermés, le budget de la Santé enregistrant une baisse de 4,2% sur ces 5 dernières années.
Le gouvernement et ses commanditaires accusaient alors les salariés et la CGT de mettre en danger l’économie du Pays.
Avec la crise économique à venir, qu’on nous prédit, on voit aujourd’hui ce que va nous coûter la politique libérale menée par les gouvernements successifs et tout particulièrement l’actuel. Celui-ci n’a fait que poursuivre les plans qui ont conduit à la casse de notre système de soin en l’aggravant.
A ce déplorable constat, vient s’ajouter la suppression de la réserve stratégique de masques juste par mesures d’économies, notamment sous le mandat d’Emmanuel Macron en tant que Ministre de l’Economie. Cette décision a malheureusement
exposé à la maladie de nombreux soignants dont certains en sont hélas décédés.
Ce contexte sanitaire rappelle aussi la nécessité de sauvegarder notre Sécurité Sociale que le Patronat essaie de démanteler depuis de nombreuses années. Il est plus que jamais nécessaire de revenir sur son financement assis sur les cotisations
en arrêtant les exonérations de toutes natures (aides aux entreprises, rémunérations de type participation/intéressement au détriment du salaire, de la CSG qui va contre la gestion salariale de la Sécu et la perspective des hausses de cotisations…)
Durant cette crise sanitaire inédite, la CGT s’est battue pour faire primer la santé sur les intérêts financiers.
Dans son allocution du 16 mars 2020, le Président Macron faisait référence au “jour d’après” alors qu’en même temps, le gouvernement a imposé une série d’Ordonnances et de Décrets qui actent d’importants reculs en matière du droit du
travail :
- Imposition de prises de repos, 10 jours de RTT ou CET en l’absence d’accord et 6 jours de CPL avec un accord,
- Allongement de la durée maximum de travail qui passe de 10 à 12 heures par jour, soit 60 heures par semaine (contre 48 heures auparavant),
- Travail de nuit pouvant aller jusqu’à 12 heures (et non plus 8 heures),
- Repos quotidien consécutif ramenée de 11h à 9h,
- Règles de repos dominical assouplies,
- Modification des règles d’information/consultation des CSE et difficulté à recourir à l’expertise.
Le “jour d’après” du déconfinement, le gouvernement et le grand patronat en profitent pour :
1. Continuer à remettre en cause les garanties collectives pour accroître l’exploitation des travailleurs. C’est ainsi que dans le Groupe Air Liquide, des accords sont proposés à la signature au sein des Technologies Hospitalières qui visent à minorer le paiement des heures supplémentaires de 10% au lieu de 25% et de 25% au lieu de 50%
2. Supprimer des millions d’emplois
3. Préparer la liquidation de la Sécurité Sociale : la crise du coronavirus va faire exploser le déficit à plus de 41 milliards d’euros. Selon les chiffres officiels, ¾ correspondent à des recettes non perçues donc non versées par les entreprises.
4. Organiser un appauvrissement général : Le 7 mai, Edouard Philippe a déclaré que “la France, une fois la crise sanitaire passée devra faire face à l’appauvrissement général” mais bien entendu pas pour les banques et les capitalistes. Mais il touchera les plus fragiles: les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et les retraités
5. Réduire encore davantage les libertés et garanties démocratiques. Par exemple : interdiction des rassemblements, surveillance et fichage électronique, extension des pouvoirs de police, atteinte aux libertés de déplacement ou simplement de distribution de tracts comme à Champigny…
6. Continuer la distribution de milliards d’euros aux banques et aux capitalistes : c’est près de 400 milliards d’euros donnés aux banques et au patronat par la loi adoptée le 19 mars, sans conditions de maintenir l’emploi ou de renoncer aux versements des dividendes
Rappelons aussi que le Groupe Air Liquide est confiant dans le fait de maintenir ses objectifs financiers 2020 en pleine période de Covid 19.
Le “Jour d’Après” pour la CGT c’est un monde plus juste, durable et solidaire en exigeant entre autre :
- La nationalisation des industries indispensables à la population, comme l’énergie, l’eau, le médicament, le transport, le logement…,
- La réduction du temps de travail à 32h, les gains de productivités générés depuis le passage aux 35h le permettent largement,
- L’application de la grille Fédérale CGT des Industries Chimiques, avec un SMIC à 1 900 euros,
- Une protection 100% Sécurité sociale, financée par une hausse des cotisations patronales, là encore ce serait un juste retour des gains de productivité vers le salariat. Une Retraite solidaire intergénérationnelle et par répartition à 60 ans à taux plein ou après 37,5 années de cotisations, des départs à 55 ans pour les travaux pénibles, avec un trimestre d’anticipation par année de travail pénible
- L’application de toutes les garanties de nos conventions collectives comme socle incontournable et non dérogeable,
- L’Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
- L’interdiction des licenciements,
- L’arrêt des versements de dividendes, qui doivent être réorientés vers l’outil productif et les salaires,
- Le rétablissement de l’Impôt Sur la Fortune.
A tout ceux qui pensent que ces revendications sont utopiques, nous leur demandons de réfléchir à la situation économique de la France au sortir de la 2ème guerre mondiale. Et pourtant, sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, le programme du Conseil National de la Résistance, avec en particulier la création de la Sécurité Sociale, a bien été mis en place. Heureusement pour nous, la situation économique de la France est nettement meilleure aujourd’hui et même si l’histoire ne repasse jamais le même plat, ce qui était possible en 1945 doit l’être en 2020.
Oui, messieurs les représentants du grand capital, le jour d’après ne peut être comme les jours d’avant, au risque de nous faire courir à la catastrophe économique, sociale, humaine et environnementale. Si cette pandémie a pu se répandre aussi
facilement sur toute la planète, c’est du fait de la mondialisation à outrance et du non respect environnemental.
Il nous faut donc bâtir un autre monde, plus humain et plus respectueux de notre planète.
Pendant cette crise, des salariés du Groupe Air Liquide ont oeuvré dans des conditions difficiles, à assurer les soins des patients (filiales du Homecare), à fabriquer des respirateurs (ALMS-EOVE) (Même si avec le recul, on peut s’interroger
sur les raisons de cette opération. L’avenir nous le dira ou la commission parlementaire qui devrait analyser les responsabilités de chacun et la façon dont cette crise a été gérée), à fournir des gaz médicaux ou à usage électronique (ALFI,
ALSF…), à contribuer à fabriquer du gel hydroalcoolique (ALFI-SEPPIC) ou à contribuer à la fabrication de médicaments ou d’adjuvants pour les vaccins (SEPPIC).
Par leur professionnalisme et leur dévouement, ils répondent à l’intérêt de la Nation.
Le Groupe Air Liquide ayant décidé la continuité de la vie économique, c’est bien l’ensemble des salariés du Groupe qui a su adapter son organisation de travail pour continuer à produire.
La CGT estime donc nécessaire que ces efforts soient reconnus à leur juste valeur en rouvrant les paritaires salaires dans toutes les filiales du Groupe pour en dégager le financement.
En effet, seule une revalorisation du salaire sera une récompense juste et équitable pour les salariés, d’autant plus justifiée que les résultats de l’entreprise le permettent largement. La politique salariale dans les différentes sociétés du groupe en France, malheureusement validée par certaines organisations syndicales, est même en dessous de ce qui se pratique sur le
marché.
L’augmentation des dividendes décidés lors de la dernière assemblée générale des actionnaires, fruit des gains de productivité, prouve que c’est possible. Une prime défiscalisée n’est pas la solution pour garantir l’avenir du pouvoir
d’achat de tous les salariés et affaiblit notre système de protection sociale. Une prime, même accordée annuellement ou mensuellement peut toujours être remise en cause totalement ou partiellement (participation, intéressement par exemple).
Oui, le Groupe a largement les moyens financiers de répondre à l’intérêt général des salariés tant en matière de condition de vie que de travail.
Pour preuve l’année 2019 est bien l’année de tous les records:
- Le Chiffre d’Affaire du groupe Air Liquide 21,920 milliards d’euros soit une croissance de 4,3% par rapport à l’année précédente.
- Le résultat net s’établit à 2,241 milliards d’euros en croissance de 6% par rapport au résultat net récurrent de 2018
- Le versement de dividendes proposé à l’AG de mai 2020, pour le compte de l’exercice comptable 2019, d’un montant de 1,3 Milliard d’euros correspond à 58% du résultat net consolidé du Groupe, soit la proportion la plus forte jamais
enregistrée et relativement élevée comparé à celui de ses principaux concurrents ou d’autres groupes comparables du CAC 40. - L’entreprise a opéré des rachats et des destructions d’actions pour un montant de 109 Millions d’euros pour compenser la dilution du cours du titre suite à l’attribution d’une action gratuite pour 10 possédées et pour rémunérer ses dirigeants.
Enfin, la situation sanitaire a heureusement permis la suspension du projet de réforme des retraites. Il est nécessaire de se rappeler les promesses de nombreux politiciens, économistes de tout poil ou syndicalistes réformistes, garantissant qu’avec cette nouvelle réforme des retraites les pensions ne pourraient pas diminuer alors que le projet de loi prévoyait que le financement des retraites ne devait pas dépasser 13,8% du PIB. Nous voyons aujourd’hui, que le gouvernement mise sur un recul d’au moins 8% du PIB en 2020. Qu’en serait-il de nos retraites sous ce régime tant vanté? A cela s’ajoute une prévision d’un nombre important de futurs retraités dans les années à venir, la seule variable d’ajustement serait donc la baisse des pensions. La CGT avait à nouveau raison de se battre contre ce projet. Il n’aura pas fallu attendre la mise en application de la loi pour en avoir une parfaite démonstration.
Nous souhaitons aussi revenir sur la situation de Luxfer, seule usine de l’Union Européenne à produire des bouteilles à oxygène médical. Le sort de cette entreprise a été scellé fin 2018, alors que son carnet de commandes était plein, que son CA était de 22 millions d’€ et que son bénéfice avant impôts était de 12%. Le fonds de pension, propriétaire de cette entreprise jugeait que ce n’était pas suffisant. Le couperet est tombé pour les 138 ouvriers sacrifiés, l’établissement
de Luxfer dans le Puy de Dôme devait fermer. Le combat est toujours mené par les salariés et leurs syndicats pour obtenir la
réouverture du site et la continuité de la production. Des repreneurs sont identifiés mais les dirigeants de Luxfer s’y opposent, leur seule volonté est la fermeture de l’usine de Gerzat. Nous soutenons bien sûr ce combat légitime et nous demandons à la direction générale du Groupe Air Liquide d’aller au delà de ses premiers engagements de commandes de bouteilles. En cas d’abandon de reprise par les actuels candidats, nous demandons à la direction générale du Groupe de se
positionner comme repreneur de l’entreprise pour sauver l’emploi des 138 salariés, et sauvegarder une industrie au service des besoins de la population.
Sur le front de l’emploi, le Groupe continue à se désengager de filiales que la direction générale considère arbitrairement ne plus être dans le coeur de métier. Dernièrement, ce sont les salariés de CRYO PDP qui en ont fait les frais en étant vendus à un fond financier. Exemple de la financiarisation du Groupe Air Liquide qui exigeait de cette activité une vitesse de retour sur investissement supérieure au fonds financier avec lequel il a négocié. La prochaine sortie des effectifs du Groupe est imminente avec la vente de SCHULKE, dont Bioxal fait partie.
D’autre part, les inquiétudes perdurent sur l’avenir de l’Ingénierie et Construction en France. Malgré ses engagements sans cesse renouvelés, le Groupe, à l’aube de la décennie, a entrepris la délocalisation des fabrications réalisées à AL E&C France
sur le site de Vitry Sur Seine vers les Emirats Arabe Unis. Sur un site de près de 18 hectares elle y exploite, dans un contexte politique « stable » et de « contraintes sociales favorables » une main d’oeuvre « hors sol » expatriée de divers pays à
l’économie fragile.
Comme il était prévisible, c’est maintenant l’activité Ingénierie de Champigny Sur Marne qui subit le même sort.
Malgré le tassement des marchés, loin des promesses de doublement annoncées par les plans ALMA – ALFOR – E&C Inside, sous la pression de la Direction générale, les heures d’exécution de projet sont transférées par milliers à Hangzhou
et CRACOVIE notamment. Pression relayée via le CI qui ne manque pas d’ironiser sur la capacité, de AL E&C France, y compris en terme d’effectif, à traiter les affaires du Groupe. Alors même que c’est la Direction Générale qui organise cette
hémorragie de nos compétences.